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Entrevistita à Natacha Lockwood

By jpe 7 ans ago

Gz- Qu’est-ce qui vous fatigue dans le milieu du Tango ?
NL- À part les horaires qui m’empêchent de travailler correctement le matin ? 🙂
Je dirais d’abord : le manque de bienveillance.
Ce qui me fatigue, c’est d’entendre des danseurs/danseuses assis autour de moi critiquant les couples qui dansent. « Regarde comme elle s’habille, j’aurais honte de sortir comme ça », « et le vieux qui gigote, j’ai bien fait de lui dire non, quand on pense qu’il est prof », « Elle ? pfff… Elle est trop snob pour danser avec des gens comme moi », et bla et bla et bla. Un vrai poulailler.
Si on regardait les danseurs qui nous entourent d’un oeil bienveillant, on réaliserait peut-être que cette jeune fille qui parle peu et évite le regard des hommes n’est ni arrogante, ni snob, mais simplement mal à l’aise, ou discrète et réservée. On dénigrerait moins « la femme vulgaire qui s’habille comme ça » en trouvant plutôt chouette qu’elle se pomponne pour se rendre à la milonga et se sente jolie comme ça. Et on trouverait finalement que le « vieux judoka » dont on méprise la danse est un personnage plutôt marrant qui a franchement l’air de s’éclater.
… Et si nous changions de perspective ?

Gz- Où et avec qui avez-vous découvert le Tango ?
NL- Par hasard, mon père qui est musicien avait loué un film de Sally Potter, La Leçon de Tango, dans lequel dansaient Pablo Veron, Fabian Salas et Gustavo Naveira. On avait alors 18 ans avec ma jumelle, et ça nous a donné envie d’apprendre à danser. Mais depuis l’enfance nous évitons de faire la même activité pour éviter que les gens aient un sujet de plus pour nous comparer. Sarah a commencé le tango et a tout de suite accroché. Moi je commençais la salsa sans grande conviction. Finalement après quelques temps le prof de Sarah, Imed Chemam m’a fait danser dans une pratique pour me faire essayer.
Je n’ai plus jamais arrêté…

Gz- Pour vous où se joue l’avenir du Tango ?
NL- Euh… Ce soir à la Dolce Vita, demain au rétro Boom Boom, vendredi à la Mutluluk, samedi au Garròn ?
Non, l’ « avenir du tango », honnêtement je n’en sais rien. J’espère simplement que nous serons épargnés par une dérive vers un tango 3.0, où on rencontrerait nos partenaires de danse sur une appli genre Tinder.
Si je pouvais décider de l’avenir du tango, j’aimerais avant tout que les danseurs gardent leur personnalité, qu’ils s’inspirent sans copier, qu’ils n’essaient pas de rentrer dans les cases de ce qu’ils imaginent être le « vrai » tango, et qu’ils soient tournés vers leurs sensations plutôt que vers l’image qu’ils veulent renvoyer. Bref, qu’à travers la danse ils me racontent des choses qui me parlent d’eux 🙂 avec l’envie de partager plus que de se montrer. C’est décevant pour moi d’avoir la sensation de ne pas en savoir un petit peu plus sur quelqu’un après avoir dansé avec lui ou après l’avoir vu en démo. Un peu comme si on avait « parlé » pendant une vingtaine de minutes de façon complètement superficielle.

Gz- Un bon et un mauvais souvenir de Tango ?
NL-Un trèèèèèès bon…
Il y a 6 ans, danser l’été jusqu’au lever du soleil sur le paseo de mon premier festival à Sitges. La douceur de la brise, le son des vagues, les sourires scotchés sur les visages de ceux qui ont dansé toute la nuit à la belle étoile. Se jeter dans la mer quand la musique s’arrête puis aller tous déjeuner dans un bar à côté. C’était magique. D’ailleurs, pour joindre l’utile à l’agréable, j’y ai aussi rencontré ce fantastique italien avec lequel je vis depuis 🙂

Un mauvais…
Il y a ce danseur, dont l’attitude me déplait profondément et qui fait partie de mes rares invitations déclinées. Mais la dernière fois je me suis dit : « allez, fais pas ta snob », et je me fais violence pour le suivre sur la piste, déterminée à rester de bonne humeur et à passer un bon moment. Sur la piste, au milieu d’une danse, il accroche un couple et la danseuse tombe. Bien sûr, ça peut arriver, mais je suis mortifiée et me confonds en excuses. Lui, il n’a pas crû bon de s’excuser, il a simplement ajouté entre ses dents en reprenant l’abrazo : « eh bien oui ils doivent faire attention où ils mettent leurs pieds ».
Ah…

Gz- 3 Tangos / 3 orchestres / 3 danseurs
NL- toujours :
Nada – Di Sarli
en ce moment :
Mis amores de ayer – Biagi
une milonga : Por la Huela – Biagi
Cristal – Canaro
et les solos de bandoneon de Troilo

Pour les danseurs (il y en a + de 3)
Je dirais Moira Castellano et Mariela Sametband, pour leur talent, leur élégance, leur passion, leur humour et leur gentillesse.
Claudio Forte et Barbara Carpino, parce que depuis que j’ai commencé à danser, je suis fascinée par leur charisme et par leur énergie.
Noelia Hurtado et Corina Herrera, parce qu’il me semble qu’elles dansent comme elles respirent, et c’est ce à quoi j’aspire : danser comme je suis avec spontanéité.

Gz- Quelle est la meilleur manière de terminer une Milonga ? Choisissez :

a) 
Les pieds douloureux après avoir tant dansé
b) A la recherche d’une « after » pour continuer.
c) En allant prendre un petit déjeuner.
d) Avec quelqu’un
e) Autre, (précizez) :

NL- La recherche frénétique d’une after me semble un symptôme un peu boulimique lorsqu’on a déjà passé une belle soirée 🙂
Je préfère rentrer grignoter ou déjeuner avec des amis en debriefant sur la milonga avec un sourire de 42 dents. En général, les feedbacks sont intimes ou drôles, parfois même jubilatoires, mais si par hasard l’un d’entre nous a passé une mauvaise soirée, on dédramatise ensemble et on va se coucher le coeur plus léger.

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