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Entrevistita à Odile Fillion

By jpe 7 ans ago

Gz- Qu’est-ce qui vous fatigue dans le milieu du Tango ?
OF : Pourquoi de la fatigue ? dix ans de « fréquentation » du tango et je reste fascinée par la diversité de ses rites, la passion de ses acteurs, amateurs comme professionnels . Après avoir trainé au hasard de mes voyages , dans les milongas de différentes villes du monde , petites et grandes, à l’est et à l’ouest il me reste l’impression qu’il n’y a pas un, mais des milliers de milieu du tango aujourd’hui .et que je n’en ferai jamais le tour. Tous les « milieux « du tango sont des micro-mondes merveilleux, accueillants, en général animés par des « fêlés » de tangos, éventuellement argentins , ou au moins argentinophiles, mais pas nécessairement non plus , et qui tous reproduisent , et à des milliers de kilomètres de Buenos Aires , leurs rêves de tango, …c’est magique toutes ces milongas dispersées à la surface du monde, ces réseaux amicaux qui se créent et Buenos Aires comme capitale et épicentre de cette passion partagée.

Gz- Où et avec qui avez-vous découvert le Tango ?
OF : A Paris , il y a dix ans. J’étais beaucoup plus cinéphile à l’époque (!) -. et pour aller dans la petite salle du cinéma-du Latina, il fallait passer par un couloir où se déroulait en live,…un autre film, celui des soirées historiques du Bistrot Latin ! je voyais là, dans une lumière douce, des gens attablés, courtois, habillés, qui semblaient se connaitre, se parler, s’inviter à danser, sur une chorégraphie qui a priori me semblait un peu démodée et des musiques qui m’étaient totalement inconnues …il y avait tellement de monde certains soirs, que le couloir juché des sacs des danseurs rendait l’accès à la salle de cinéma difficile !!. Une vraie folie, j’ai eu envie de comprendre..… Inscrite aux cours d’Ana Gutériez et Ricardo Daloi, le tango devenait tout de suite une drôle d’histoire; je n’y comprenais pas grand chose, et je n’étais pas très douée mais me suis fait plein de nouveaux copains et copines de tous âges, et toutes origines, avec qui on passait des moments formidables ; pour se lancer sur les pistes, il y avait les pratiques du samedi à Nogent sur Marne, et les diners dansants un peu loufoques chez les uns et les autres ! …puis est venu, à l’initiative d’Ana et Ricardo l’heure du voyage à Buenos Aires… Le divertissement est devenu une passion dévorante . Comment oublier ce premier soir à el Beso , le spectacle impressionnant de ces couples parfaitement organisés sur la piste, la théâtralité et l’élégance des hommes qui raccompagnaient les danseuses à leur table, le rite du cabezeo,……je me sentais tellement godiche. Par le plus grand des hasards j’avais été assise à côté de Pocho, l’une des grandes figures du tango « porteno » aujourd’hui disparu et de Rosa, petite dame souriante ,cheveux platines, lunettes noires, juchée sur des talons de 10 centimètres. Mon compagnon de voyage qui parlait espagnol, a su convaincre Pocho … de m’inviter ! Buenos Aires m’offrait mon premier tango avec Pocho, j’étais terrorisée, et Pocho me murmurait à l’oreille de rester  » tranquile » .. Puis Ana Maria Schapira m’adoptait dans ses cours, Tete m’invitait dans une master- class, deux semaines de rêve ,… j’en suis revenue bouleversée, probablement transformée à jamais par l’accueil de Buenos Aires que je n’aurais su imaginer .

Gz- Pour vous où se joue l’avenir du Tango ?
OF : Nardo Zalko, qui avait écrit la première histoire du tango à travers la relation entre Paris et Buenos Aires, et avec qui nous avons réalisé ensemble un film documentaire, m’a appris comment le tango s’inscrivait dans une histoire longue.. Les thèmes du tango sur lesquels nous dansons aujourd’hui ont souvent été créés, il y a plus d’un siècle, puis interprétés , réinterprétés, d’une décennie à l’autre par différents orquestres. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’autres danses qui, comme le tango se soient ainsi réinventées par variations successives. L’explosion du tango se joue dans les années 10, à peu près en synchro avec l’apparition du jazz, mais aussi avec le développement des cabarets, puis des dancings et de l’industrie du disque, puis de la radio.. Il semblerait qu’il y avait à l’époque de vrais stratèges, et que quelques hommes d’affaires et d’influence, dont on parle peu et dont on sait peu de choses d’ailleurs, inventèrent avec succès un vrai business international autour du tango. ( et simultanément une authentique création culturelle argentine) La disparition de Nardo Zalko, m’a placée dans la situation de vouloir en savoir plus pour prolonger les recherches qu’il avait entreprises et trouver un moyen de lui rendre hommage . Plus je fouille dans le passé, plus je trouve de bonnes raisons pour que le tango, qui a connu des hauts et des bas, continue sa réinvention. Il y a aujourd’hui, plus que jamais sans doute, une terre d’accueil pour le tango sur tous les continents. La ville de Buenos Aires, a notamment avec l’organisation du Festival Mondial de Tango, mis en place une stratégie « marketing » extrêmement efficace , en particulier pour la promotion de la danse. Le nombre de professionnels et d’enseignants de très grande qualité qui sillonnent le monde, n’a jamais été aussi important. Les festivals, les milongas, les encuentros milongueros se multiplient. Mais cela reste malgré tout dans un monde clos d’ initiés, et avec un répertoire musical limité à quelques grands orquestres aujourd’hui disparus.. On entend toujours aussi peu de tango sur les radios et les télés, même argentines, et nos enfants ignorent tout de ses musiques ..comment donc faire sortir le tango du ghetto mono-culturel dans lequel il s’enferme ? Comment réinventer le tango comme musique contemporaine pour qu’il s’inscrive aux hit-parades, et soit dansé avec et comme les danses d’aujourd’hui ? Il y avait dans les répertoires de Carabelli, Canaro, Rodriguez, et de bien d’autres, aussi des fox-trot, de polkas, des shimmys et des paso doble …et les danseurs passaient d’un rythme à l’autre sans probablement trop se prendre la tête ! C’est sans doute l’une des clés de l’avenir du tango..

Gz- Un bon et un mauvais souvenir de Tango ?
OF : le bon ? peut être, après la découverte de la danse, la grande plongée dans le monde infini des musiques de tango, mon premier soir DJ au Rétro, un cadeau de Claudia Rosenblatt , partie alors pour plusieurs semaines à Buenos Aires, un monde s’ouvre.

le mauvais, 2 heures du matin, le clic d’un SMS reçu de Buenos Aires une nuit de Décembre, Tete n’est plus là., un monde se ferme.

Gz- 3 Tangos / 3 orchestres / 3 danseurs
Comme il faut , Loca, Corrientes y Esmeralda
Juan d’Arienzo , Ricardo Tanturi, Osvaldo Pugliese
el Cachafaz, Pepito Avellaneda et puis… X, X, X autant de danseurs inconnus, et d’abrazos inoubliables ..

Gz- Quelle est la meilleur manière de terminer une Milonga ? Choisissez :

a) 
Les pieds douloureux après avoir tant dansé
b) A la recherche d’une « after » pour continuer.
c) En allant prendre un petit déjeuner.
d) Avec quelqu’un
e) Autre, (précizez) :

OF : l’insomnie assurée, trop d’énergie et de bonheur emmagasinés, la ritournelle d’un tango dans la tête jusqu’à l’heure du réveil.

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